La restitution, miroir du chemin parcouru

14 juin 2019, au Centre Social de l’Arbrisseau, Lille Sud Concert orchestre et chœur des élèves du Collège Louise Michel.

Il est toujours surprenant de suivre le déroulé d’ateliers musicaux et de voir l’aboutissement lors de la restitution finale. Le chemin parcouru, souvent semé d’embûches, est déconcertant et ne résulte jamais à ce qu’on prévoyait.

L’inter(s)tisse est intervenu auprès d’élèves de sixième et cinquième pour une série de sept ateliers d’orchestre participatif couplé à du chant choral. L’assiduité des élèves a été notre principal obstacle. La notion d’engagement sur une activité extra-scolaire, un jour où tous les autres élèves du collège sont libérés à 15h30, s’est avérée difficile à respecter. Malgré la présentation du dispositif lors d’une séance de sensibilisation, de nombreuses excuses furent inventées pour justifier d’un manque de motivation. Au vu de ce contexte, la construction d’une atmosphère de groupe, le développement d’une relation de confiance avec les 3 intervenants de L’inter(s)tisse et le travail artistique en profondeur s’est avéré laborieux.

Quelle n’est donc pas notre surprise de constater la qualité de l’investissement, le sérieux dans la démarche et les qualités musicales développées par chacune de ces élèves lors de la restitution finale ? Hier ayant du mal à garder son sérieux face au lâcher-prise nécessaire au chant, ne sachant pas se concentrer pour mémoriser les consignes orales, ne pouvant garder le contact visuel avec la cheffe pendant tout un morceau, refusant d’ouvrir la bouche… aujourd’hui investie dans sa posture de musicienne, présente dans son corps, posture pleinement assumée devant le public, chantant du norvégien par cœur, prenant la parole pour présenter les morceaux, respectant un silence attentif entre les morceaux, à l’écoute de l’autre et en contact avec la cheffe.

Le déroulé des ateliers et la méthodologie de la cheffe d’orchestre sont autant d’ingrédients permettant ce constat. Une pédagogie basée sur la bienveillance, la mise en valeur de chaque individu, le respect des opinions et des humeurs variantes de ces adolescentes, une communication solide avec la professeur de musique du collège, un cadre établi, des consignes et des objectifs clairs, à court terme et atteignables. La liberté et la souplesse dans le contenu artistique (création de paroles, réactivité quant aux propositions des élèves) permet à chacune de s’approprier la production musicale finale et de se sentir individuellement responsable au sein du collectif. L’articulation de l’individu et du collectif dans une production artistique commune est au centre de nos problématiques et répond à beaucoup de questionnements au-delà du domaine artistique. La pratique artistique est le terrain idéal de la construction de son individualité au sein du collectif, qui plus est lors cette période de la vie qu’est l’adolescence.

Le comportement en-dehors des séances de musique s’est lui aussi métamorphosé. Une relation de confiance, d’égal à égal et ouvert à la discussion s’est établie. Le temps libre entre la répétition générale et la restitution est un très bon terrain d’observation. Hors du collège mais dans un lieu de la ville à destination des jeunes, les élèves sont dans leur élément et s’approprient le projet. Le temps même de la restitution est crucial. Nous noterons malheureusement la faible présence des parents des élèves participantes à la restitution mais de la présence en masse du personnel éducatif du collège. C’est une très bonne chose que ces temps extra-scolaires auxquels des élèves volontaires s’investissent soient mis en valeur et pris en compte par les adultes encadrants ces élèves. On notera la présence de la directrice, du directeur adjoint, de 2 CPE, d’une éducatrice et pas moins de 5 professeurs !

Un autre exemple de cette individualité en construction est le témoignage de ces équipes encadrantes qui redécouvrent les élèves dans un tout autre contexte. Des élèves totalement effacés et éteints en classe se retrouvent à l’aise sur scène, expressifs et dans leur élément. Dans des contextes familiaux parfois instables, en décalage avec le système scolaire classique, en situation d’échec scolaire, les élèves se retrouvent mis en lumière sous un tout autre angle.

L’inter(s)tisse entre ici pleinement dans son rôle de respiration institutionnelle avec son apport d’intervenants extérieurs neutres, de médiums d’expression alternatifs. C’est une opportunité pour chaque élève de partir à neuf, de montrer une facette de sa personnalité fidèle à l’état d’esprit du moment présent. L’inter(s)tisse propose une bulle vierge de tout passif, il suffit de la remplir de toutes ses émotions par le médium le plus conforme à sa personnalité. L’atmosphère bienveillante installée permet un équilibre entre expression individuelle de chacun et l’écoute de l’autre, paramètre souvent défaillant dans un contexte conflictuel et restrictif que peut être le collège.

Ces constats sont présents autant en restitution, qu’en ateliers hebdomadaires ou dans le temps neutre entre les moments musicaux : les élèves se retrouvent moteurs du groupe, prennent des initiatives, apportent de nouvelles idées de semaine en semaine, apportent des réflexions constructives quant au contenu musical, interagissent entre eux, s’aident dans leur difficultés, font preuve de facilités d’apprentissage malgré une situation d’échec scolaire au collège.

La présence du personnel éducatif lors de ces séances ou au moins lors de la restitution finale est cruciale pour ce type de projet. Mieux que les mots, l’expérience vécue d’assister en tant que spectateur à cette mise en lumière des élèves sert de passerelle pour l’après. Pour aller plus loin, on pourrait imaginer un double processus où l’aboutissement est la mise en commun dans un même orchestre d’un groupe d’élèves et d’un groupe de professeurs/enseignants pour ainsi favoriser une nouvelle relation élève/professeur grâce au médium de l’orchestre.

A.G.